Et si la vie m’était contée…

Génie génétique . Une installation invitant à une réflexion éthique

Installation réalisée dans le cadre du festival Science et Cité à Fribourg
présentée au public du 5 au 11 mai 2001

Video

Emission Fax-Culture, TSR, 10.05.2001 (Quicktime, 15.5MB)

Conception et réalisation

Michael Egger et Maïté Colin

Le travail de recherche à été réalisé en collaboration avec

Madame Andrea Arz de Falco, Institut d’éthique et des droits de l’homme, Université de Fribourg. Présidente de la commission fédérale d’éthique pour le génie génétique dans le domaine non humain

Monsieur Sandro Rusconi, professeur, Institut de Biochimie, Université de Fribourg. Directeur du programme national de recherche 37

Un espace sensible

bouteille Une pièce close et sombre, un mobile constitué de 104 bouteilles de PET occupe la totalité de l’espace. Le visiteur est invité à entrer, attiré par les bouteilles, chacune porteuse d’une phrase et d’une petite installation intérieure. Elles sont autant de petits mondes clos illuminés. Le visiteur ne peut circuler dans cet espace sans heurter les bouteilles et mettre le mobile en mouvement.
Deux petites caméras sont dissimulées à l’intérieur de 2 bouteilles. Les caméras filment le mouvement des bouteilles généré par les déplacements des visiteurs à l’intérieur de l’espace. Ces images sont alors projetées en faisceaux sur les murs noirs Une installation sonore diffuse un mélange de sons de nature (chants d’oiseau, source…) et de sons de laboratoires (enregistré dans les laboratoire de biochimie de l’université de Fribourg).

« Augmenter l’espérance de vie, c’est mettre en péril notre concept actuel d‘AVS. » Sandro Rusconi
« Il faut regarder la réalité en face : l’être humain ne compte que 30’000 gènes. Ce qui a permis au journal ‘Libération’ de poser cette équation : ‘Nous valons deux mouches à vinaigre’. » JA, La Liberté, mardi 27 février 2001.
« La notion de ‘dignité de la créature’ demande à développer une pondération entre les intérêts de la protection de l‘animal et les intérêts de son utilisation par l‘homme. » Andrea Arz de Falco

Objectif et réflexion

Cette installation est une invitation à la réflexion et au dialogue. Elle pose des questions et invite chacun à trouver ses réponses. Le génie génétique ne laisse personne indifférent puisqu’il touche à la vie elle même. Notre manière d’appréhender les questions relatives au génie génétique dépend de notre regard sur la vie, de la manière dont nous concevons l’environnement et le rôle de l’homme sur cette terre. Nous avons récolté des pensées de chercheurs, d’éthiciens, de personnes opposées au génie génétique ou des réfléxions présents dans le public. Cette installation vise la transparence, la mise en évidence des interrelations et considère le génie génétique comme une chance, une occasion unique de dialogue, une possibilité de maturation de société. Le génie génétique pose la question de notre liberté et tient compte du fait qu’un accroissement de liberté engendre un accroissement de responsabilité.

bouteilleNous avons cherché à montrer aussi que le génie génétique agit en tant que révélateur. Par exemple : la notion de dignité de la créature qui entre dans la nouvelle loi sur la protection de l’environnement, oblige à des réflexions par rapport à l’animal dans la domaine du génie génétique mais aussi dans des pratiques préexistantes, ce qui induit l’idée qu’il ne s’agit pas de discriminer le génie génétique mais d’élever l’ensemble des pratiques aux niveaux des exigences que nous fixons pour le génie génétique.

Nous avons voulu reconnaître qu’il y a des positions inconciliables mais que le bien ne se trouve pas d’un côté et le mal de l’autre. Entre les extrêmes, à travers le dialogue, la prise en considération des points de vues élargit notre angle de vision et ce, quelle que soit notre opinion. Et c’est dans la recherche commune d’une voie praticable pour notre société que nous tendons vers un équilibre, voir vers une certaine sagesse…

Mise en image

bouteilleNous avons réalisé un espace sensible, un système complexe, dans lequel le visiteur ne peut qu’être acteur (volontaire ou involontaire), à l’image de ce que chacun est, effectivement, dans notre société. C’est pourquoi nous avons créé un mobile où chaque élément du mobile représente une idée à la fois isolée et en interaction avec les autres. Les idées sont indépendantes, parfois elles se contredisent, se complètent ou se répondent et le visiteur qui circule entre elles, au gré des ses attirances, crée son propre parcours.

Nous avons voulu cette installation, belle, magique, ludique de manière à éveiller la curiosité du visiteur. Mais aussi sans complaisance, nous la voulions posant de vraies questions et enclines à débusquer les leurres… jusqu’à la provocation parfois. Mais derrière l’ironie ou l’humour que l’on y rencontre par moments, elle est aussi enthousiaste, optimiste et confiante quant à l’élargissement d’un véritable dialogue.

l’idée

Le visiteur circule dans le mobile, l’idée n’est pas de guider ses pensées ou de les orienter, simplement de lui permettre d’être face à certaines idées ou de les éviter, de les heurter ou d‘être heurté, de les prendre en considération ou non, mais d’être immergé dans un univers où le génie génétique existe. Chaque bouteille représente une idée, un petit univers clos, qui pourtant est en relation avec toutes les idées environnantes.

Deux caméras sont placées dans deux bouteilles, reliées directement à deux projecteurs vidéo projetant sur deux côtés de la salle les images influencées par le mobile et les mouvements des visiteurs. Les surfaces de projections constituées par les rideaux noirs, soutiennent ainsi l’idée que les « limites » sont fonctions de nos projections et qu’il est impossible d’en cerner précisément les contours.

« Que nous le voulions ou non, il nous faut vivre dans un monde d’interférences, où chaque partie est solidaire du tout ».
Dietrich Dörner, La logique de l’échec, Flammarion, 1997, p12.

L’espace rappelle aussi que le génie génétique n’est qu’un outil. Que cette technologie fait partie de notre avoir et qu’il est naïf et illusoire de penser que l’on peut retourner à la case départ. Comme l’écrivait Stéphane Vuilleumier, chercheur à l’institut de microbiologie de l’EPFZ: « Les innovations technologiques qui ont investi notre société sont désormais avec nous, comme les déchets atomiques ou chimiques qui résultent de nos activités ».

L’espace invite donc à nourrir la réflexion en sortant des positions « pour » ou « contre ». L‘outil existe, la question est de se demander ce que l‘on veut ou ne veut pas en faire et quel but l‘on poursuit. Voulons nous aller vers plus d’humanité ou vers plus de profits ?

« La régulation des apports technologiques ne dépend plus du savoir-faire mais du vouloir-faire ». Jacques Testart
La notion de “dignité de la créature” entre dans la nouvelle loi sur la protection de l’environnement.
Est-ce justifiable de manipuler génétiquement des animaux pour qu’ils deviennent de «petites usines» à produire plus de lait ou plus de viande ?